[ nouveautés ¶ littératures ¶ essais ¶ catalogue ¶ à propos ] |
« Plaisir, Maître souverain des hommes & des dieux devant qui tout disparaît, jusqu'à la raison même, tu sais combien mon cœur t'adore, & tous les sacrifices qu'il t'a faits. » Cette profession de foi sans détours ni faux-fuyants résume ce que fut la vie de La Mettrie, celle d'un esprit libre & sans préjugés contre lequel les zélateurs de l'ordre établi s'acharnèrent. Comme d'autres avant lui, comme beaucoup après, il dut, plus d'une fois, fuir précipitamment, passer clandestinement des frontières. La liberté d'esprit a un prix ; pour éviter la Bastille, il n'y avait que les chemins de l'exil.
L'obscénité pour ce lettré est un exercice trop facile, alors il préfère composer un genre de mièvrerie qui chante l'amour & ses voluptés. Pas de plaisir sans sentiment, pas de plaisir sans attente, n'est-il pas tout le contraire d'un soudard ? Voilà de quoi rassurer, ou peut-être décevoir, les plus effarouchés. Que les mots sont choisis pour décrire ces deux enfants de sexe différent, élevés ensemble. Ils grandissent & peu à peu, émerveillés, ils font la découverte de leur différence. Et ce pauvre Isménias dévoré d'amour, mais qui réfrène sa passion afin de ne pas troubler la belle Ismène, n'est-il pas touchant & attendrissant ? Quand « la chose » se produit, bienfait de l'attente, la nuit d'amour est une explosion de joie & de bonheur. La jouissance est affaire de rythme, choisir le moment, prendre son temps & la volupté repousse ses limites jusqu'à l'inconnu.
Cherche-t-il à déconcerter ses détracteurs, à agacer les dévots qui, à l'abri des regards, auraient pu éprouver quelques frissons à la lecture du texte honni ? Qu'ils se rassurent, ils trouveront ce qu'ils cherchent. Les allusions s'affinent, se précisent, l'érotisme apparaît par touches successives. Quelle belle leçon prodigue La Mettrie à ses lecteurs qui voudraient réveiller tendrement une amante endormie : elle ouvrira doucement les yeux après avoir reçu mille caresses répétées ; suivez ses conseils & vous arriverez, si ce n'est déjà fait, comme lui à la conclusion que « si les plaisirs du soir sont plus vifs, ceux du matin sont plus doux ». Tous les goûts étant dans la nature, il nous instruit aussi de tout ce qui peut éveiller les sens ; ainsi l'émoi ressenti à la vision des ébats amoureux d'autrui, ou encore des formes de l'amour qui ne prennent pas toujours le chemin emprunté par le plus grand nombre & qui restent selon les époques plus ou moins tapies dans l'ombre. Mais que tout ceci est dit avec un tact polisson ! Il joue avec les mots & parcourt, avec ravissement, les « vallées heureuses », foule le « gazon touffu » & ose s'engager dans des « bosquets inaccessibles ». « L'amour [...] fera couler de ma plume la tendresse & la volupté », comment, à cet instant, ne pas penser à Gainsbourg décrivant le plaisir d'Annie quand elle déguste ses sucettes à l'anis ?
Nous sommes en 1751, il est en exil, protégé par une cour accueillante, il vient de terminer Le Petit Homme à la longue queue. Ses détracteurs vont pouvoir souffler, ironiser sur sa fin, mais pourront-ils encore longtemps rester à l'abri de leurs murailles ? La réponse ne tardera pas. Dans l'Art de jouir, il proclame : « L'homme a été fait pour être heureux dans tous les états de la vie. » La leçon sera retenue. Quatre décennies plus tard la revendication du droit au bonheur entraînera un séisme politique d'une ampleur sans précédent. |
1709 Naissance le 25 décembre du médecin-philosophe malouin 1733 La Mettrie est reçu docteur en médecine 1737 La Mettrie publie sa première œuvre originale, Traité du vertige, avec la description d'une catalepsie hystérique 1740 Frédéric II, roi de Prusse 1744 Médecin des Gardes-Françaises lors du siège à Fribourg Contracte la fièvre jaune 1745-1746 Condamnation par le Parlement de l'Histoire naturelle de l'âme publiée à La Haye sous le titre le Traité de l'âme Début de l'exil aux Pays-Bas, puis en Prusse où il exerce les fonctions de médecin & lecteur auprès de Frédéric II « Je m'applaudis beaucoup de l'acquisition que j'ai faite de La Mettrie. Il a toute la gaieté & tout l'esprit qu'on peut avoir. Il est ennemi des médecins & bon médecin. Il est matérialiste, mais point du tout matériel. » 1748 L'Homme-Machine 1750-1751 Parutions du Discours sur le bonheur, de L'Art de jouir & de Le Petit Homme à la longue queue Victime d'une intoxication alimentaire, La Mettrie décède le 11 novembre 1751 après trois jours de grandes souffrances « Trembler aux approches de la mort, c'est ressembler aux enfants qui ont peur des spectres & des esprits. Le pâle fantôme peut frapper à ma porte quand il voudra, je n'en serai pas épouvanté. Le philosophe seul est brave où la plupart des braves ne le sont pas. »
Nombre de signes 72 000 Folio 34 pages Temps d'impression 6 minutes Taille du fichier PDF 290 Ko ISBN - Prix 2-84824-017-2 |
[ nouveautés ¶ littératures ¶ essais ¶ catalogue ¶ à propos ] |