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Vaudois par la révocation de l'Édit de Nantes qui a chassé de France ses aïeux, Benjamin Constant est élevé ici & là, dans l'esprit des Lumières, au gré des voyages de son père. Devenu chambellan d'une cour de Brunswick qu'il quitte en 1794, le jeune Constant s'enthousiasme pour la Révolution - & pour Germaine de Staël, la fille de Necker. À vingt-huit ans, Constant est le produit d'une Europe où la nation est un concept privé de sens ; sitôt à Paris où l'emmène Germaine, il entreprend de se faire naturaliser citoyen de la Grande Nation.
Paris au printemps 95 : on souffle & on fait la fête. Au moins chez les puissants du jour, des révolutionnaires, des régicides souvent, mais qui, de peur d'être envoyés par Robespierre au rasoir national, l'y ont fait monter le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Leur Constitution, celle du Directoire, est adoptée en août 1795. Elle rappelle les principes de 89, vaguement, mais affirme que la propriété est le fondement de la société & permet le remplacement du suffrage universel par le suffrage censitaire. Le nouveau régime a un but : terminer la Révolution, c'est-à-dire pérenniser les acquis de la Révolution bourgeoise de 89 en interdisant toute remise en cause de l'ordre social ; ce qui suppose de réduire la double opposition des royalistes & des jacobins.
Madame de Staël est une des figures de proue de ce courant « libéral » ; c'est elle qui lance Constant dont les trois essais de 1796-1797 font un des théoriciens majeurs de ce centre, bien proche en vérité, hors des cercles dirigeants, du triangle des Bermudes. Car les faiblesses de la Constitution (élections annuelles, exécutif collégial, révision quasi impossible) du Directoire sont évidentes, & sa défense semble relever chaque jour davantage de la foi en les vertus d'un milieu qui, bien que réputé juste, ne voit de salut que dans les coups d'État. Le premier suit de peu l'adoption de la Constitution : la Convention décide que deux tiers des futurs députés seront choisis en son sein. Constant condamne... mais dès floréal an IV (mai 1796), dans De la force du gouvernement actuel & de la nécessité de s'y rallier, il justifie : il s'agissait de sauvegarder l'essentiel en empêchant les royalistes de gagner les élections.
Car s'il théorise, Constant n'en est pas moins pragmatique. Le retour d'un roi, fût-il constitutionnel, signifierait la guerre civile ; la République est donc le meilleur des régimes, la légitimité issue de thermidor incontestable. Et si « le grand art est de gouverner avec force, mais de gouverner peu », en se gardant de l'arbitraire qui « dénature les gouvernements, & les met dans la classe des factions », la République a aussi le devoir de se défendre : fin mai, la conjuration des Égaux de Babeuf & un hypothétique complot jacobin dans l'armée sont durement réprimés dans des conditions de légalité douteuse. Des réactions politiques & Des effets de la Terreur sont publiés en mai 1797. Le premier est une défense des Lumières contre le retour des « préjugés religieux » & des zélateurs de l'inégalité naturelle, fondement des privilèges, contre le « triple édifice de la royauté, de la noblesse & du sacerdoce ».
Il fait aussi l'éloge de la loi face à l'arbitraire : en septembre 1797 (fructidor an V), trois des directeurs aidés d'un général cassent les élections remportées par les royalistes. Quant au dernier de ces essais, s'il recommande « pour affermir la paix intérieure » le pardon des responsables d'« excès révolutionnaires », il soutient que la Terreur ne fut en rien une phase nécessaire de la Révolution, qu'elle « n'a fait que du mal ». La condamnation de ce régime « qui a courbé les têtes, mais (...) dégradé les esprits & flétri les cœurs » reste d'ailleurs d'une grande modernité. Car c'est la Terreur « réduite en système, & justifiée sous cette forme » qu'il stigmatise comme « beaucoup plus horrible que la violence féroce & brutale des terroristes, en cela que, partout où ce système existera, les mêmes crimes se renouvelleront » : en floréal an VI (11 mai 1798), on réédite le coup de fructidor, aux dépens des jacobins cette fois.
Constant finira par reconnaître les tares du régime & ses choix politiques ultérieurs lui vaudront sa réputation d'inconstance. Mais est-ce la girouette ou le vent qui tourne ? Son œuvre en tout cas, jusqu'à sa mort en 1830, témoigne de sa fidélité aux principes énoncés dès ses trois premiers essais : libéralisme politique & modérantisme social, laïcisation de la pensée & affirmation des libertés individuelles face à l'arbitraire - des valeurs qui ne triompheront vraiment qu'avec la IIIe République.
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25 octobre 1767 Naissance à Lausanne de Benjamin Constant 1774-1775 Constant accompagne son père, officier suisse au service de la Hollande, à Bruxelles 1775-1781 Séjours à Lausanne, à Bruxelles
& en Hollande. 1783-1786 Études à l'Université d'Édimbourg. Découvertes de Paris. S'éprend de Jenny Pourrat. Amitié & liaison avec Isabelle de Charrière 1787-1789 Constant s'installe à Colombier chez Isabelle de Charrière. Épouse Minna von Cramm. Première édition de Qu'est-ce que le Tiers état ? de Sieyès (Janvier 1789) 1790-1793 Le couple Constant vacille (séparation en 1793, divorce en 1795). Liaison de Constant avec Charlotte de Hardenberg. Retour à Colombier chez Isabelle de Charrière 18 septembre 1794 Benjamin Constant rencontre Germaine de Staël 1795-1796 Installation à Mézery chez Germaine de Staël. Multiples séjours à Paris, Lausanne & Coppet. Publication de De la force du gouvernement actuel (...) (1796) 1797-1798 8 juin : naissance d'Albertine de Staël. Constant & Germaine de Staël sont partisans du coup d'État de Fructidor. Des réactions politiques & Des effets de la Terreur. Constant se lie d'amitié avec Julie Talma. Constant devient citoyen français (1798) 1799-1801 Constant est membre du Tribunat où il joue un rôle d'opposant. Nombreux discours. S'éprend d'Anna Lindsay. Séjours en Suisse, auprès de Germaine de Staël 1802 Constant est évincé du Tribunat. Relations « orageuses » entre Germaine de Staël & Constant 1803-1805 Constant a le projet d'épouser Amélie Fabri. Rédaction d'Amélie & Germaine. Décès de Necker (1804). Napoléon succède à Bonaparte. Séjour à Coppet & à Genève. Germaine de Staël refuse le mariage que Constant lui propose. Constant s'éprend à nouveau de Charlotte de Hardenberg à Paris Passion pour Anna Lindsay, projet de mariage avec Charlotte de Hardenberg (1805). Décès de Julie Talma & d'Isabelle de Charrière 1806-1808 Nouvelle passion de Constant pour Charlotte du Tertre. Relations « houleuses » entre Germaine de Staël & Constant. Mariage secret avec Charlotte (1808) 1809-1811 Constant « hésite » entre Charlotte & Germaine. Publication de Wallstein. Adieux à Germaine de Staël (1811). Rédaction du Cahier rouge 1814 S'installe à Paris. Publication de De l'esprit
de conquête & de l'usurpation (...). 1815-1816 Cent-Jours. Rédaction de l'Acte additionnel
(...). 1817-1818 Constant mène, parallèlement à
une vie politique intense, une grande activité journalistique. 1819-1821 Constant, député de la Sarthe. Publications de Trois Lettres (...). Discours sur la presse. Mémoires sur les Cent-Jours. Lutte contre la traite des Noirs (1821) 1824-1825 Constant, député à Paris. De la religion (...). Discours sur le milliard des émigrés (1825) 1827-1829 Discours sur la presse. Constant est élu député
du Bas-Rhin. 1830 Constant prend part aux Trois Glorieuses. Souffrant, il décède le 8 décembre
Nombre de signes 264 000 Folio 130 pages Temps d'impression 26 minutes Taille du fichier PDF 760 Ko ISBN - Prix 2-84824-007-5 |
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