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Si Schwob était un monument, il serait un chef-d'œuvre de cette architecture éclectique qui triomphe au tournant des XIXe & XXe siècles, entre rococo, néo-gothique & néo-byzantin, entre guerre de 70 & guerre de 14 : Marcel Schwob est de cet entre-deux-là : né en 1867, il meurt en 1905, à trente-huit ans. Son oncle est conservateur de la bibliothèque Mazarine ; à Louis-le-Grand, ses condisciples s'appellent Léon Daudet & Paul Claudel. Il rate l'entrée à Normale. Heureusement ! il serait devenu professeur ou savant. Marcel Schwob sera journaliste, curieux & écrivain. Hors école. Éclectique : sur les traces de Stevenson ou bien à la recherche de l'ombre de Hugo, poète & romancier, pasticheur ou conteur, plus créateur de bizarre que de fantastique. Le Roi au masque d'or (1892) & Le Livre de Monelle (1894) se suivent de près dans l'œuvre de ce météore inclassable qui n'a pas encore la trentaine. Ils ne captivent pas, ils envoûtent. Nous sommes à Florence au temps de la Grande Peste, dans la Normandie ravagée par les Grandes Compagnies ou le palais intemporel d'un roi lépreux, parmi des embaumeuses d'Éthiopie ou les eunuques de Rome ; ici, des pirates assoiffés d'or & de sang, qui cherchent « dans la vie active l'oubli de [leurs] crimes », se retrouvent statufiés par le souvenir du passé auquel les confronte une ville où toute vie active s'est figée par l'effet d'on ne sait quel prodige ; là, les jeunes vierges de l'antique Milet sont décimées par une épidémie de suicide parce qu'un miroir leur révèle ce que réserve l'avenir à leur beauté. S'agit-il de nouvelles ou de contes philosophiques ? L'atmosphère est lourde, les hommes masqués d'or ou de cuir ; ils finissent pendus ou dévorés par le loup à qui, par l'effet d'une inexplicable pitié, ils ont un jour fait grâce. On trompe & on tue, on torture, on pille & on viole. Et c'est la vieille question, toujours la même, qui revient, au centre, à travers toutes les histoires, qui traverse l'histoire, les déserts & les mers, les pays vrais & les royaumes imaginaires : mais pourquoi donc le Mal ? où est l'Erreur ? Deux adolescents font l'amour pour conjurer une inexplicable apocalypse : « Pourquoi cette universelle destruction ? [...] Ils ne savaient pas. Ils étaient inconscients des fautes ? » Un homme invente une terrifiante machine à parler… « La soufflerie se mit en mouvement sous les pédales ; les plis pendant à la gorge se gonflèrent ; les lèvres monstrueuses tressaillirent & bâillèrent ; la langue travailla, & le mugissement de la parole articulée fit explosion : Au com-men-ce-ment fut le verbe, hurla la machine. - Ceci est un mensonge, fit l'homme. C'est le mensonge des livres qu'on dit sacrés » ; & pourtant la machine se disloque quand l'homme voudra lui faire dire le contraire... Quant à Monelle, est-elle putain, reine ou bien fée ? « Je suis celle qui est perdue sitôt retrouvée. » Peu importe puisque Monelle a mieux à faire que de nous dire qui elle est. « Ne regarde pas derrière toi. Ne regarde pas trop devant toi. Si tu regardes en toi, que tout soit blanc » & « n'aime pas ta douleur ; car elle ne durera point. » Peu importe puisqu'on ne peut résumer la vie de Monelle davantage que son livre, les tribulations de la reine Mandosiane, ou la quête de la fée Morgane. « Il semblait que cette maison fût une prison ou un hôpital. Mais une prison où on enfermait des innocents pour les empêcher de souffrir, un hôpital où on guérissait du travail de la vie. Et Monelle était la geôlière & l'infirmière. » Peu importe puisque la musique compte bien davantage que l'histoire ou la psychologie. « Et près des confins de la Perse elle vit beaucoup de maisons blanches, cubiques, aux fenêtres longues ; mais l'anneau de bronze n'y était point pendu. Et on lui dit que l'anneau se trouvait au pays chrétien de Syrie, à l'Occident. » On ne lit pas davantage Le Livre de Monelle que Le Roi au masque d'or, on y plonge, on s'y immerge &, les yeux grands ouverts, on y voit soudain le monde, déformé ou reformé, à travers un kaléidoscope. « Notre erreur était de nous arrêter ainsi dans la vie, &, en restant immobiles, de regarder couler toutes choses, ou d'essayer d'arrêter la vie & de nous construire une demeure éternelle parmi les ruines flottantes. »
- Médiathèque
de Lisieux - L'Association « Ressources.org » propose sur son site la Revue des ressources une biographie & des extraits (par ex. des Vies imaginaires). - Sur ce même site |
25 août 1867-1886 Naissance à Chaville de Marcel Schwob. Mallarmé publie La Nouvelle Hérodiade. Études à Sainte-Barbe & à Louis-le-Grand à Paris. Son père, Georges Schwob, acquiert le quotidien nantais Le Phare de la Loire dans lequel le jeune Marcel publie ses premiers textes. Découvre Robert Louis Steveson & son Treasure Island 1888-1890 Suit les cours de Ferdinand de Saussure & de Michel Bréal au Collège de France ; publie, en collaboration avec Georges Guieysse, l'Étude sur l'argot français chez Émile Bouillon (1889). Rencontre Catulle Mendès qui lui propose un poste à L'Écho de Paris. Fait la connaissance de Paul Arène, d'Anatole France & d'Alphonse Daudet. Se consacre à l'écriture & au journalisme 1891-1893 Rencontre Jules Renard, Auguste Rodin, Oscar Wilde & Verlaine... Publie Cœur double & Le Roi au masque d'or chez Ollendorf (1892). Demande à Octave Mirbeau son appui en faveur de Camille Claudel. Fait connaissance de Colette 1894-1895 Publication chez Chailley du Livre de Monelle. Marcel Schwob se prend de passion pour la comédienne Marguerite Moreno, ancienne maîtresse de Catulle Mendès. Plusieurs opérations qui atteignent Schwob dans sa virilité. S'adonne à la drogue 1896 Spicilège est publié au Mercure de France. La Croisade des enfants suit peu après. Alfred Jarry dédie Ubu Roi à Schwob. Décès d'Edmond de Goncourt 1897-1898 Les Nourritures terrestres d'André gide sont publiées au Mercure de France. Le conte L'Étoile de bois paraît dans la revue Cosmopolis « Marcel Schwob, à trente ans, n'avait de jeune que sa passion de toutes connaissances humaines, sa véhémence, son agressive lumière à éclats brusques. » (Colette) Mort de Stéphane Mallarmé (1898) 1899-1900 Traduction d'Hamlet & première représentation avec Sarah Bernardt au théâtre de la Renaissance. Voyage en Angleterre, épouse Maguerite Moreno à Londres (1900). Prend à son service un domestique chinois Ting qui le soigne jusqu'à sa mort 1901-1902 Voyage à Samoa, sur les traces de Steveson 1903-1904 La Lampe de Psyché (Mercure de France). Nombreux périples en Europe (Lisbonne, Naples, Marseille...) 26 février 1905 Décès à Paris. Marcel Schwob est inhumé au cimetière du Montparnasse
Nombre de signes 200 000/120 000 Folio 106/75 pages Temps d'impression 21/15 minutes Taille du fichier PDF 380/310 Ko ISBN - Prix 2-84824-051-2/ |
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