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Au cours de l'automne 1894, Octave Mirbeau publie en feuilleton, dans Le Journal, une longue nouvelle intitulée Mémoire pour un avocat. Il traverse alors une grave crise existentielle doublée d'un lancinant sentiment d'impuissance & d'une crise conjugale qui perdure. Marié depuis plus de sept ans à une ancienne théâtreuse, Alice Regnault, plus souvent célébrée pour sa beauté que pour son talent, il a une claire conscience de gâcher sa vie à ses côtés, tout en se sentant incapable de briser le lien qui l'attache masochistement à elle. Après sa nouvelle intitulée ironiquement Vers le bonheur, & publiée au lendemain même de son mariage (1887), & un article à la consternante & vengeresse gynécophobie, « Lilith » (1892), Mémoire pour un avocat constitue un nouvel exutoire à sa souffrance & un nouveau règlement de comptes avec son incompréhensive compagne. Mais, par-delà les confessions indirectes qu'on est tenté de lire à travers la fiction, ce texte a bien une portée générale qui lui confère sa permanente actualité : le grand romancier, lucide arracheur de masques & féroce démystificateur, y exprime sa très pessimiste vision du monde & des hommes, qui lui inspire son « immense tristesse & [son] immense découragement », & y procède une nouvelle fois à une double démythification en règle de « l'amour » & du mariage monogamique, tous deux porteurs d'illusions dangereuses pour les individus & pour une organisation sociale pourrissante.
Cette édition & cette présentation n'auraient pu voir le jour sans l'indispensable & amical concours de M. Pierre Michel, président de la Société Octave Mirbeau ; qu'il en soit ici très chaleureusement remercié. Société Octave Mirbeau
(1) Alice Regnault fut accusée (elle bénéficiera d'un non-lieu) d'avoir voulu vitrioler la comtesse de Martel, qui signe Gyp ses romans légers ; cette dernière accusera aussi Mirbeau d'avoir voulu la revolvériser... Sur cette sombre & tortueuse « affaire Gyp », voir Pierre Michel, Littératures, Toulouse, n° 26, 1992, pp. 209-220. [retour] |
16 février 1848 Naissance d'Octave Mirbeau à Trévières (Calvados) 1849 Naissance d'Augustine-Alexandrine Toulet, future épouse Renard, future Alice Regnault, future Mme Octave Mirbeau 1872 Mirbeau commence sa carrière de journaliste au service des bonapartistes & prostitue sa plume pendant une douzaine d'années. Pendant ce temps, la veuve Renard remporte quelques modestes succès au théâtre, sous le pseudonyme d'Alice Regnault, & s'enrichit dans la galanterie 1880-1883 Dévastatrice liaison d'Octave avec une femme de petite vertu, Judith, rebaptisée Juliette dans Le Calvaire 1884-1885 Grand tournant : après avoir fui au fin fond du Finistère, Mirbeau rentre à Paris bien décidé à se racheter & à mettre dorénavant sa plume au service de ses valeurs éthiques et esthétiques. L'affaire Gyp (1) (juin 1885) le rapproche d'Alice Regnault, qui est sa maîtresse depuis l'automne 1884 1886-1890 Publication des 3 premiers romans signés de son nom & plus ou moins « autobiographiques » : Le Calvaire (1886), L'Abbé Jules (1888) & Sébastien Roch (1890). En mai 1887, toute honte bue, Mirbeau épouse, sans illusions, l'ancienne actrice Alice Regnault 1891-1897 Grave & interminable crise au cours de laquelle il publie en feuilleton son roman Dans le ciel (1892-1893) & sa longue nouvelle Mémoire pour un avocat (1894). Il mène avec succès ses grands combats esthétiques & littéraires (en faveur de Claude Monet, Vincent Van Gogh, Auguste Rodin, Camille Pissarro, Camille Claudel, Maurice Maeterlinck, Oscar Wilde, etc.). Il se rallie à l'anarchisme 1898-1900 Engagement dreyfusard passionné. Publication de 2 romans d'un noir pessimisme : Le Jardin des supplices (1899) & Le Journal d'une femme de chambre (1900) 1901-1908 Devenu riche & puissant, Mirbeau continue de mettre son talent, son entregent & sa fortune au service des humiliés, des sans-voix & des talents méconnus. Il triomphe au théâtre avec Les affaires sont les affaires (1903) & suscite le scandale avec La 628-E8 (1907) et Le Foyer (1908) 1909-1916 Mirbeau est de plus en plus souvent malade & de moins en moins capable d'écrire (c'est Léon Werth qui termine la rédaction de Dingo, 1913). La guerre de 14 achève de le désespérer 1917 Mort de Mirbeau à Paris, le 16 février. Cinq jours plus tard, sa veuve fait paraître un faux Testament politique d'Octave Mirbeau, où elle lui fait renier tous ses engagements pacifistes 1923 Création d'une pièce de Sacha Guitry, Un sujet de roman, inspirée du couple Mirbeau : la veuve d'un grand écrivain fait rédiger par un nègre un roman aseptisé qu'elle entend publier sous le nom de son mari 1931 Décès d'Alice Mirbeau
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